Autoroute : l’horizon trouble d’une 113 réaménagée

Article de L’ARLÉSIENNE du 26/06/2024 par Anna Aprin

Depuis le 7 juin, la mairie enchaîne les réunions d’informations décortiquant le projet de requalification de la RN113. Une vision à 10 ans que le maire et ses adjoints viennent présenter aux Arlésiens, quartiers par quartiers, pour en dérouler les ficelles. La démarche a pour vocation d’appuyer un autre dossier : le contournement autoroutier, condition nécessaire aux grands travaux sur la 113. Et celui-ci passera prochainement en enquête publique, au premier semestre 2025.

Réserver le pont de Trinquetaille aux modes doux, abaisser le niveau de la 113, faire passer les véhicules pour traverser la ville par Chabourlet et la rue Guintoli pour libérer les abords du canal d’Arles à Bouc… Voici les petites révolutions imaginées par la mairie pour cette nouvelle RN113. C’est ce que les Arlésiens et Arlésiennes ont pu apprendre lors des trois premières réunions ayant comme thématique les secteurs géographiques (Trinquetaille, Barriol Semestre, Chabourlet Centre-ville). Et il reste deux réunions pour échanger avec les élus (Pont-de-Crau Raphèle le 27 juin et le 10 juillet avec une présentation réservée aux entreprises et commerces).

Les réunions de concertation sont toutes rythmées de la même manière : introduction, présentation du projet et du calendrier, zoom sur la zone concernée et échange entre les citoyens et la municipalité. Pour mieux comprendre les changements, les élus et techniciens s’appuient sur la projection d’un diaporama. La mairie avait affirmé transmettre la présentation aux participants, mais la promesse n’a pas été tenue. Suite à la publication d’un article dans la Provence sur le pont de Trinquetaille réservé aux voies douces, le maire voit un risque dans la diffusion de ces images : « Y’a des gens qui s’amuse à foutre le bordel et on doit tenir compte de ça. Chaque fois qu’on donne quelque chose on sait comment ça va se passer, ça va être modifié, amplifié tout ça pour nous casser du sucre sur le dos », réagissait Patrick de Carolis lors de la réunion du 13 juin dernier. “Arrêter la circulation sur le pont de Trinquetaille, ce n’est qu’une hypothèse à étudier”, temporise-t-il. Avec les images de synthèse donc, tout est à mettre au conditionnel.

La création d’un boulevard urbain qui apaise le centre-ville

Les objectifs énoncés de cette requalification résident dans une volonté de maîtrise des flux de déplacements en coordination avec le contournement autoroutier. « Désengorger la ville », c’est le maître mot de la municipalité. La RN113 se transforme en boulevard urbain avec plus de liaisons inter-quartiers à Pont de Crau, Fourchon, Barriol et Trinquetaille, grâce à la mise en place de carrefours. Au niveau du centre-ville deux modifications : « abaisser progressivement les vitesses quand on rentre en ville » pour passer de 90 km à 30 km, et sur la traversée urbaine « la voirie disparaît, on n’aura plus que des transports en commun et des modes doux », annonce Emmanuel Lubrano, directeur du service urbanisme. La route pour le reste des véhicules est déviée sur la rue Guintoli et Jules Formigé à partir du pont Réginel. Grâce à ces aménagements les prévisions de trafic passent de 68 200 véhicules/jour à 21 000 véhicules/jour. L’ambition est de dissuader les camions qui font du trafic de transit par la 113 de choisir cette option face à l’opportunité d’une autoroute rapide et gratuite entre Arles et Saint-Martin, « pincer la ville pour la rendre pénible pour des gens qui seraient dans une optique de transit rapide » explique Marie-Amélie Ferrand-Coccia, adjointe à l’urbanisme. Les Arlésiens ont cependant du mal à se projeter et les 17 800 véhicules/jour annoncés sur la rue Guintoli, où se trouve le lycée Privat, font réagir. “19 000 véhicules rue Guintoli, ça fait beaucoup là, non ?”, lançait une participante à la réunion thématique du quartier de Barriol. C’est environ 10 000 véhicules de plus que ce que l’on retrouve aujourd’hui selon Sophie Aspord, l’adjointe à l’urbanisme.

 

Une route au service de projets urbains

La municipalité développe également des aménagements afin de favoriser les changements de mode de transport (le fameux “report modal”, ndlr), grâce auxquels le trafic devrait diminuer. « Poumon vert », « grand projet vert », « mobilité douce », un vocabulaire fleuri employé pour décrire la requalification de cette 113, qui contraste néanmoins avec la mention de développement de « 2183 logements » supplémentaires dans le cadre du nouveau programme PLH, des bâtiments qui seraient en partie construits sur la place gagnée sur l’actuelle 113. « On a pas voulu mettre des projets autour d’une route, on a voulu que la route puisse servir les projets de la ville » explique l’adjointe aux transports. Une initiative qui risque cependant d’augmenter considérablement la circulation, comme le projet de port de plaisance.

Le projet d’un centre-ville apaisé n’a pas totalement convaincu les Arlésiens. D’un côté, la restriction du pont de Trinquetaille aux modes doux permet de diminuer la circulation qui comptabiliserait 15 000 véhicules jours sans cet aménagement. Un apaisement pour le quartier et pour le centre-ville qui engendre cependant un transfert de flux sur le pont de la 113. C’est alors 4650 véhicules qui sont ajoutés aux 25 000 véhicules jours de trafic urbain et auxquels il faut rajouter les flux venant de l’extérieur. Ainsi les projections présentent en tout 36 300 véhicules jours sur ce pont, contre à 82 500 aujourd’hui. Une circulation difficile à imaginer pour les Arlésiens, notamment sur une 2×1 voies. En comparaison, l’ASFA comptabilise en moyenne 30 000 véhicules jours sur une autoroute. « On a l’impression que ce sont des quantités de trafic qui demeurent importantes, mais là c’est du trafic qu’on a projeté au regard de lieux qui n’existent pas encore. Ce trafic là, si on ne faisait pas le contournement et la requalification, il se cumulerait au trafic qu’on a aujourd’hui » précise Marie-Amélie Ferrand-Coccia.

La mise en place du projet dépend de la mise en circulation du contournement autoroutier

Ce projet est amené à évoluer, « ce qui est important c’est votre ressenti et ça nous intéresse de savoir, aller chercher la petite bête, pour nous, c’est important, il faut qu’on se questionne là dessus, on fait des grands projets » explique le maire. Directement en lien avec le projet de contournement autoroutier, la requalification ne pourra pas se faire avant la réalisation de l’autoroute prévue pour 2029. Une date qui ne cesse d’être repoussée. Alors que le calendrier présenté lors des réunions annonce une enquête publique encore déplacée d’un semestre, c’est-à-dire début 2025, Jean-Claude Arnaud investi dans le collectif « Arles 2028 » souligne qu’une « grande majorité des Arlésiens sont atteint par une lassitude immense vis-à-vis de ce projet de contournement et de la suite ». Selon les élus, il faut attendre la finalisation du projet avant d’avoir une phase d’étude pour calculer le temps de réalisation. « Dans un premier temps on a le contournement, dans un deuxième temps on a la rénovation (…) et tout ça, on peut peut-être le calibrer à moins de 10 ans » estime Patrick de Carolis, le maire d’Arles. Pour que le projet se réalise, l’adjointe à l’urbanisme glisse subtilement une invitation pour les élections de 2026 : « penser à nous pour qu’on puisse poursuivre ce projet là ensemble ». 

Anna Aprin

 [Prochaines réunions d’informations :
 le jeudi 27 juin à 17h30 à la salle polyvalente de Pont de Crau – secteur Pont de Crau Raphèle ;
le mercredi 10 juillet à 17h45 au Pôle Service Publics – entreprises et commerces]

Les parutions 2022

Le schéma du tracé du contournement autoroutier, au sud d’Arles : une arlésienne de plus en plus réelle.

Article publié par Blast le 12/02/2024 L’Arlésienne d’une nouvelle autoroute en Camargue, vieille de trois décennies, n’a jamais semblé si près de se réaliser. Soutenu par Patrick de Carolis, maire (Horizon) d’Arles, poussé par le port de Marseille, le projet inquiète les agriculteurs, les riverains et les associations, qui craignent un drame environnemental. Mais ils ont peu d’espoir que le gouvernement fasse machine arrière. L’article en ligne

Lire plus »

Polémique autour d’un projet de contournement autoroutier en Camargue

Envisagée depuis les années 1990, cette infrastructure longue d’une trentaine de kilomètres va border la lisière du parc naturel régional. L’enquête publique doit être lancée d’ici à la fin de l’année. Les riverains, écologistes et agriculteurs envisagent un recours en justice.

Les riverains et associations de protection de l’environnement et du patrimoine de Camargue pensent tenir l’occasion de retarder le projet de contournement autoroutier d’ Arles envisagé par le gouvernement.

Lors d’une des concertations publiques de ce tracé organisée par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) en janvier, des habitants ont pointé dans la présentation une erreur de plan susceptible de constituer une « tromperie manifeste du public », selon la responsable de l’Association Camargue environnement (Acen), Marie-Hélène Fabre. Elle a donc demandé l’organisation d’une nouvelle concertation, une requête restée lettre morte, et envisage désormais de porter l’affaire en justice.

Lire plus »

En visite à Arles le ministre des transports Jean Baptiste DJEBBARI prône le consensus sur le projet de contournement autoroutier….

Contournement autoroutier : « Forger les consensus locaux » Difficile de ne pas évoquer le sujet du contournement autoroutier d’Arles quand le ministre délégué aux Transports débarque en ville. « J’en ai parlé avec le maire« , a d’ailleurs confié le membre du gouvernement. Il l’a fait aussi. brièvement et sans trop se mouiller avec La Provence, juste avant de repartir pour Marseille. « Pour nous, le vrai sujet, c’est de forcer les consensus locaux, a indiqué Jean-Baptiste Djebbari. Et bien souvent, les projets routiers et autoroutiers peuvent être vus préalablement comme des projets qui sont contraires à l’ambition environnementale. Mais nous l’avons vu sur un certain nombre de sujets, laissons s’établir les consensus locaux. D’abord pour développer ces infrastructures de manière beaucoup plus vertueuses qu’avant, et on a des entreprises qui sont parfaitement qualifiées pour le faire. Et pour continuer à avoir des politiques d’attractivité des territoires, c’est important. Pour cela, il y a des débats publics, des enquêtes publiques, qui visent à forger le consensus démocratique, et c’est dans ce cadre-là que je me situe.« 

Lire plus »